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Mali : présidentielle partout, président nulle part

Entendu hier une candidate au baccalauréat dire que les sujets d’examen étaient abordables. Comprendre qu’il y a eu des fuites à certaines épreuves, au point que, grand malheur, les candidats aux différents examens passent plus de temps à la recherche du sujet qu’à apprendre les leçons. La candidate ajoute que si IBK pense qu’en faisant en sorte que les sujets soient abordables que les gens vont voter pour lui, il se fourvoie lamentablement. Ses propos ont déclenché une salve de rires, mais le plus intéressant c’est qu’ils rappellent ceux tenus quelques jours par l’inénarrable et l’inoxydable Moussa Timbiné, député RPM et premier vice-président de l’Assemblée nationale. Pour lui, l’opposition politique ne s’agite pour faire barrage au projet de réforme constitutionnelle que dans la perspective de la présidentielle de 2018. Voilà, il n’y a donc qu’un seul sujet qui focalise l’attention et sert même à faire des procès d’intention.

Ce serait une perte de temps que de s’attarder sur la fuite des sujets d’examen, véritable plaie béante du système éducatif. Un phénomène récurrent qui ne gêne plus, si bien qu’avoir le sujet la veille d’une épreuve est devenu un pactole. Mais même là aussi, il ne serait pas inexact de dire que concernant le sujet de l’éducation, le président Keïta n’a pas été berger face à ses brebis. C’est au pouvoir qu’il revient la charge de réfléchir aux mesures pouvant mettre un frein à l’expansion d’un tel phénomène néfaste. Mais, comme dans presque tous les domaines, le pouvoir pèche par son manque de vision et de stratégie. Résultat, l’école reste sur la civière.

Ce qu’a dit la candidate est tout sauf anodin. Elle est de ceux et celles qui pensent que c’est « trop tard pour IBK », que « le lait est déjà renversé », comme on dit. Car, qu’on se le dise, rien de conséquent n’a finalement été réglé aux problèmes majeurs auxquels le Mali était en butte. L’école est à la dérive ; l’armée reste confrontée à la corruption, au laxisme et au manque d’équipements et de formations ; l’Accord de paix est « insuffisant » pour amener la paix et la réconciliation avance péniblement ; l’insécurité fait de grands ravages. Or, même si on ne le rappelle pas assez, IBK a fait un raz-de-marée électoral en 2013 (77% des suffrages exprimés) pour construire un Etat plus fort que jamais il n’a été. Même si on sait aussi qu’un pays qui a été aussi durement touché comme le Mali a besoin de plusieurs décennies pour se relever.

Mais le problème, c’est que le pays a besoin de président. Et non de présidentielle. Car c’est cela, en haut lieu, les regards sont tournés vers un seul horizon : la présidentielle de 2018. Au point qu’on en vient à oublier l’essentiel. C’est-à-dire établir les fondements d’une nation, ce qui est aujourd’hui l’urgence. Dans le pays, une seule personne donne l’impression d’être aux abonnés absents : c’est le président Keïta. C’est à se demander s’il se donne la peine de prendre le pouls du peuple qui, quel que soit l’éclairage sous lequel on décide de voir la marche contre la révision constitutionnelle, semble de plus en plus à cran et dire qu’il a tout compris. Or, tout comprendre n’est pas forcement tout pardonner.

Boubacar Sangaré

Les opinions exprimées ne reflètent pas nécessairement celles de Sahelien.com