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Migrants en transit en Belgique : « Coupables d’être victimes »

I – Introduction

La migration des personnes est aussi vielle que le monde. Elle a toujours existé et existera toujours. Chaque continent fait face à ce phénomène mais l’approche et les méthodes des migrants varient d’un pays à un autre, voir d’un continent à un autre.

Entre 2015 et  2016, une importante vague de refugiés frappe à la porte de l’Europe. Une partie de ces migrants cherche à regagner clandestinement le Royaume Uni. La Belgique devient alors une plaque tournante pour les migrants en transit. Le gouvernement belge sous la direction de monsieur Théo Francken (secrétaire d’État à l’Asile et aux Migrations et responsable de la simplification administrative dans le gouvernement Michel I du 11 octobre 2014 au 9 décembre 2018), il a durci les conditions à la migration, il a pris des mesures qui n’étaient pas de nature à faciliter l’accueil et la protection des droits des migrants (le démantèlement de la «jungle» de Calais a été la suivante: réintroduction pendant un temps des contrôles aux frontières, campagne de communication pour éviter un « Calais bis », destruction immédiate de tout campement de migrants dans le Nord du pays dès la première tente posée, la mise en exécution du règlement de Dublin etc.

En quoi consiste le règlement de Dublin?

Appelé Dublin III, le règlement, signé en 2013 entre les pays membres de l’Union européenne, ainsi que la Suisse, l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein, délègue la responsabilité de l’examen de la demande d’asile d’un réfugié au premier pays qui l’a accueilli.

Autrement dit, un réfugié entré sur le territoire européen par l’Italie, et ayant continué sa route jusqu’en France, ne peut demander l’asile en Belgique. S’il enregistre sa demande en préfecture, il sera automatiquement placé en « procédure Dublin », et renvoyé dans le pays d’entrée, en l’occurrence l’Italie, afin qu’elle traite sa demande d’asile. C’est ce qu’on appelle un « dubliné ».

Pour qu’un tel contrôle soit efficace, l’Union européenne a mis en place une procédure d’identification systématique dès l’arrivée en Italie. Les empreintes sont enregistrées dans le fichier Eurodac. Cet outil permet ensuite aux éventuels pays de destination, la Belgique dans ce cas-ci, de retrouver la trace du premier enregistrement.

Depuis  les migrants font parti du décor, certains campent à la gare du Nord, d’autres ont occupés le parc Maximilien, ils sont partout dans les rues sous les échangeurs …

Les politiques, les médias, la société, les autorités, chacun à son niveau s’interroge sur les motivations de ces migrants.

C’est ainsi que notre investigation nous plonge dans l’univers de ces Hommes aux profils divers qui sont bafoués dans leur dignité et condition humaine.

Qui sont ces migrants en transit ? Quelles sont leurs conditions ? Quelles solutions à leurs problèmes?

Venus de l’Afrique de l’ouest précisément le Mali, un pays de migration par excellence. Un pays de départ, de transit  mais aussi d’accueil des migrants. Nous étions sûrs d’être suffisamment édifiés sur la migration mais contre tout attente nous fûmes surpris et étonner de rencontrer autant de migrants, dans des conditions similaires à celle des migrants en l’Afrique, dans un pays aussi développé qui est la Belgique, avec des édifices richissimes et des infrastructures gigantesques. Ce fut le premier paradoxe.

Force est de reconnaître que notre enquête n’a pas été facile, compte tenu de la nature et la dégradation mentale des sujets qui refusent de se livrer, se confier à des journalistes ou à  des hommes tout courts, mais aussi un problème de langue.  Il nous a donc fallu beaucoup de prudence et de pédagogie pour connaître leurs motivations.

  • Le profil des migrants

« À la recherche d’un nouveau souffle de vie »

 

(Migrants au HUB – Photo rapport du HUB)

Ils sont des hommes, des femmes et des enfants perdus, désorientés, qui recherchent un mieux être.  

Ils fuient la famine, les guerres, les injustices et les nombreuses violations des droits de l’homme dans leurs pays. Le docteur CYBULSKI Pierre un médecin volontaire de la croix rouge à Zebruih vers la côte de la Belgique nous raconte  « J’ai consulte un garçon de 23 ans Il avait plein de cicatrices, des coups de couteaux, des coups de bâtons etc. Il affirme que s’il retourne dans son pays, il sera tué par les talibans. » 

Ils ont parcouru des milliers de kilomètres dans des situations inhumaines pour arriver en Europe. Aynan un jeune Yéménite de 26 ans se confie : «Le Yémen est actuellement la plus grande crise humanitaire au monde, toutes les 10 minutes, un enfant meurt………… si je retourne au Yémen ils m’arrêteraient définitivement»

« Nous avons quitté l’Afghanistan à cause de la guerre car je n’ai pas envie de perdre ma vie facilement » « Depuis que je suis né; j’ai été migrant, je ne me suis jamais senti à l’aise car je n’ai jamais vécu dans mon pays. Comme on le dit souvent ‘’ Notre pays c’est notre mère, donc je n’ai jamais connu ma mère. La guerre m’a obligée à vivre loin d’elle. » Hussain

Les migrants en transit en Belgique viennent de Érythrée, Soudan, Ethiopie, de Somalie de Libye de l’Afghanistan de l’Irak et la Syrie etc. tous des pays en crise.

Beaucoup d’entre eux souhaitent regagner le royaume Uni, ils soutiennent que c’est pour plus de sécurité et de protection internationale (l’anglais étant un acquis pour la majorité d’entre eux).

Leur statut juridique n’est point satisfaisant. Si certaines associations les traitent avec respect, une partie de la société belge les regarde avec mépris et trouve même que ces migrants constituent une menace. Ils sont sujets à des trafics d’êtres humains et d’autres maltraitances dignes d’une autre époque

II – Les conditions des migrants en transit

                     «  Une crise d’accueil et non une crise de migration »

Ils vivent dans des conditions précaires, ils sont sans abris, sans nourriture, des mauvaises conditions sanitaires.

(Des migrants couchés à la gare du Nord a Bruxelles – photo Mahadi Diouara)

L’incertitude face à l’avenir, la peur de l’autre, les violations de leurs droits rendent ces individus vulnérables et affaiblis. Pour Pierre  les migrants en transit ne sont pas bien accueillis,  ils sont beaucoup plus harcelés par la police et par la mentalité des gens qui croit que ces migrants sont venus prendre leurs places, leurs emploie, et profiter de leurs impôts… alors que c’est faux leur seul but est de rester temporairement le temps de trouver le chemin vers l’Angleterre.  Il ajouta  « Un jour la police a débarquée avec une dizaine de voitures et environ 30 policiers devant l’église pour arrêter et embarquer les migrants qui attendaient à manger. C’est une violation morale »

Les associations et ONG humanitaires trouvent que l’Etat fourni peu d’efforts pour palier le problème, le gouvernement fait une mauvaise communication qui donne à l’opinion publique une «impression d’envahissement » de la Belgique par les migrants

C’est pourquoi l’association VLUCHTELINGEN WERK VLAANDEREN en plus de soutenir les migrants à travers des projets comme l ‘aide à l ‘insertion professionnelle, ou encore leur travail politique, où elle développe des recommandations pour garantir les droits des migrants ; c’est donner pour mission de sensibiliser le grand publique.

Pour madame Charlotte Vandoycke responsable de l’association « actuellement dans les médias la migration est un thème très chaud, la population reçoit beaucoup d’infos, d’images, de slogan et ils ont beaucoup de questions  etc.… donc nous les sensibilisons à travers une méthode très simple (ça c’est la situation, ça c’est les droits de l’homme, ça c’est les obligations de l’État) »

Donc la vision  de l’association est en départ de la déclaration universelle des droits de l’homme (convection de Genève) c’est la bible de l’association.

Cette mauvaise publicité sur la migration est orchestrée de façon stratégique pour changer la vision de l’opinion publique sur la question.

Le docteur Pierre nous explique « En 2018 le chiffre officielle de la police parle de 7000 arrestations de migrants sur la cote belge. Mais quand ont analyses on revient en réalité à 300 migrants car c’est les mêmes personnes qui sont prises et reprises plusieurs fois par la police.  Cela a été dit dans la presse et ça a soulevé des inquiétudes et donné une impression d’invasion ».

Certains aspects donnent une logique à cette crainte ; les migrants n’ayant pas de structures d’accueils pour loger, ils campent par-ci par-là, sa saute au yeux ils ont assiégé la gare du Nord, le parc Maximilien et tout autre endroit qu’ils arrivent à trouver, vers la côte ils se cachent dans la foret le temps de trouver une brèche pour passer en Angleterre.

Ainsi donc les avis sont partager sur la question de la migration dans le royaume,

Pour Riet DHONT la responsable de l’association Amitié Sans Frontière  « C’est très bizarre et très tordus que la Belgique ne trouverait pas de solution pour un groupe de personnes qui est autant petits, on parle de quelques centaines de personnes. ‘’. C’est paradoxal que la Belgique n’arrive pas à leur donner un traitement plus humain et voir avec eux quelles seraient leurs perspectives plus humaines. »

Le second paradoxe que nous avons constaté, en Belgique l’Etat empêche les personnes en situation irrégulière de travailler et de pouvoir contribuer, hors l’Etat a l’obligation de prendre en charge les personnes même s’ils ne travaillent pas ; mais l’Etat fait tout son possible pour ne pas régularisé ces personnes.

 

Hussain un jeune afghan que nous avons rencontré avec sa famille à Grès d’oiseau, sont sur le point d’être expulser, après plusieurs tentatives ils ont encore reçu une réponse négative pour de mande d’asile « Cette situation de stress et d’incertitude joue psychologiquement sur nous, personnellement je n’arrive même plus à me concentrer en classe, ça déprime. »

Ils sont sans défense. Et pourtant, il leur arrive d’interpeller nos consciences avec ironie «We are not dangerous we are in danger »

 

(Une affiche de sensibilisation de l’association amitié sans frontière)

‘’Les migrants en transit’’ sont justement un cas de conscience. Pour notre part, il est urgent d’ « humaniser la migration »

III  – Réponses aux besoins des migrants en transit :

         « Humaniser la migration »

Le jeu de ping-pong auquel se livrent les États européens vis-à-vis des migrants en transit, qui crée leur errance, leur mise sur orbite et leurs allers retours incessants au sein de l’UE. Ils ne sont « en transit » que parce que la Belgique, se cachant derrière l’application d’une règle européenne injuste et défaillante en termes de droits fondamentaux et de droit d’asile, ne veut pas examiner leur besoin de protection internationale.

(Deux jeunes migrants (DESTINYET ELIAN) et leur coach de l’association humanitaire Groep Intro, photo Mahadi Diouara)

Pour répondre aux besoins multiples des migrants en transit, les initiatives se multiplient, ainsi en 2017 pour offrir un meilleur visage à la migration, 9 organisations créent un HUB Humanitaire. Objectif : porter assistance et secours aux migrants en transit. En un mot : le Hub Humanitaire entend « humaniser la migration ». Outre le service socio juridique, le HUB leur propose un soutien médical, psychologique et matériel (distribution de vêtements, recherche de solutions d’hébergement, possibilité de recharger leur GSM, rétablissement des liens familiaux, etc.). Le HUB reçoit alors en moyenne 180 personnes par jour d’ouverture.  En 2018 le HUB humanitaire a réaliser au moins 6500 consultations.

 

(Un migrant recevant des habilles au HUB, photo HUB)

D’autres associations œuvrent aussi pour garantir aux migrants un minimum de dignité. Parmi elle l’association Amitié sans frontière qui organise des déjeuners avec les réfugiés,  des conférences dans les écoles où elle donne la parole aux migrants pour échanger avec les jeunes sur leurs conditions, elle organise des collectes de fond des manifestations pour défendre les droits des migrants etc.… Le but de cet association est d’influencer l’opinion publique belge à travers des actions humanitaires

Nous avons rencontré Riet DHONT responsable de l’association qui nous a détaillé les difficultés que les migrant rencontre, auxquelles leur association essaie d’apporter des solutions. Elle affirme que les migrants sont victimes de racisme, engendré par la mauvaise image que les politiques et les médias ont collé au phénomène de migration et qui malheureusement a atteint  une partie de l’opinion publique.

Selon Riet DHONT le gouvernement fait tout son possible pour décourager ces personnes vulnérables à travers : le temps de traitement des dossiers de demande d’asile, les nombreuse réponses négatives à ces demandes,  la dispersion et la multiplication des lieux de traitement des dossiers, et surtout l’accord de Dublin. « On ne comprend pas ce qui se passe. L’accueil est devenu plus complexe. »

(Migrants coucher sous un immeuble à porte de halle-Bruxelles, photo Mahadi Diouara)

Ils sont sans espoir et se sentent abandonnés. Ils crient au secours.

L’espoir est il permis?

« Nous devons avoir une approche plus humaine parce que les partis de droite criminalisent la migration, qu’ils qualifient d’illégale hors tout ce qui est illégal est à punir comme la drogue. » Pierre

Selon le rapport de Refugee Rights Europe, 44,7% des personnes rencontrées au parc Maximilien ont été victimes de violences, verbales ou physiques, Médecins du Monde parle de 25% des personnes rencontrées au HUB humanitaire entre mai et juillet 2018, qui ont été victimes de violences policières.

Sur la côte belge des héros se sont fait remarquer, parmi eux  il y a le nom d’un pasteur   qui revient le plus souvent dans les échanges quand on parle des migrants, Nous avons souhaité le rencontrer, mais puisque il a plusieurs fois reçu des menaces de mort, par des gens qui ne partageaient pas sa vision de la migration, il n’a pas souhaité nous recevoir, il évite les medias. Le Docteur CYBULSKI nous parle quand même de lui avec fierté « Depuis L’hivers 2015, le prêtre a commencé son action, C’est incroyable, car cet homme procure tous les jours depuis 3 ans de la nourriture et des habits aux migrants. Malgré les menaces de mort dont il fait fréquemment objet. »

Nous avons fait un tour à son église, où nous avons remarqué sans difficulté ses slogans anti-migrations coller par d’autres sur les portes et les fenêtres de l’église.

(Photo : slogan anti migration du mouvement « Defend Europe » sur l’église du pasteur « One people, one nation. Stop migration) photo Mahadi Diouara

Selon le rapport  « Migrants en transit en Belgique – Recommandations pour une approche plus humaine – 2019 » de l’ONG Médecins Sans Frontière : Aujourd’hui, la « problématique des migrants en transit» semble être la priorité du gouvernement fédéral. Le 10 septembre 2018, le Ministre de l’Intérieur en fonction, Jan Jambon et le secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration en poste Theo Francken, ont présenté un plan en neuf points concernant la migration de transit : création d’un Centre administratif national pour les migrants en transit au centre fermé 127 bis  et ambition d’augmenter les places de détention en centres fermés pour ce public cible, renforcement des contrôles sur les aires de repos et sur les autoroutes, lutte contre les réseaux de trafiquants d’êtres humains, meilleure collaboration avec le Royaume-Uni, mise en place de campagnes de dissuasion, etc. Un dixième point a été ajouté par la suite, visant à mieux informer les migrants sur la procédure d’asile en Belgique et à enregistrer de manière implicite une demande d’asile en leur nom.

Dans le rapport « Migrants en transit en Belgique – Recommandations pour une approche plus humaine » Les recommandations suivantes ont été faites à l’attention des autorités belges pour rendre plus humaine la migration

– La création d’un ou de plusieurs centre(s) d’accueil et d’orientation des migrants en transit

– Une application plus souple et plus proactive du Règlement Dublin III

– Une protection active des MENA

– Un soutien aux citoyens et aux ONG qui accompagnent les migrants en vue d’une politique d’intégration réussie

IV – Conclusion

Les migrants en transit constituent aujourd’hui une préoccupation majeure pour la société belge dans son ensemble. Les difficiles conditions des migrants interpellent la conscience humaine. Il y a donc urgence d’intervenir pour sauver des vies. Le droit d’asile, le droit à la protection internationale, sont des droits fondamentaux garantis par la charte des droits de l’union européenne. La convention de Genève de 1951 garantie aussi et accorde un statut aux migrants.

Nous maintenons après une profonde analyse de la question de la migration,  qu’il y a un conflit entre  ce qui est moralement acceptable du point de vue des droits de l’homme et des ODD  et ce qui est politiquement admissible du point de vue des politiques publiques de l’espace multilatérale occidental.

Mahadi DIOUARA

Journaliste malien,

Assisté de Marthys CLARYSSE