A Diffa, dans le sud-est du Niger, l’état d’urgence règne depuis février 2015. Limitrophe du Nigeria, la zone subit les attaques des insurgés de Boko Haram qui circulent de part et d’autre de la frontière. Dans cette ville carrefour, centre de production de poivron et de poisson, l’insécurité affecte tous les secteurs et les habitudes ont changé. Sahelien.com s’est intéressé au quotidien des habitants.
En ville, les derniers attentats majeurs remontent au mois d’octobre, visant un poste de l’armée. Depuis, une vie plus ou moins normale a repris, selon Hankouraou Birikissoum, maire de la commune urbaine de Diffa, joint par la rédaction. « C’est calme, les gens vaquent à leurs occupations, » indique-t-il.
Ali Allassori, secrétaire général du syndicat des commerçants, assure pour sa part que l’économie va mieux. « Il n’y a aucun problème, tout se passe dans de bonnes conditions. » Il ajoute: « Il y a tout au marché. » Les denrées arrivent de Niamey, Maradi, Zinder, ainsi que de Kano, au Nigeria. Le poivron local, dont les autorités avaient interdit un temps la commercialisation, soupçonnant les insurgés d’avoir infiltré la filière, se vend à nouveau depuis juillet.
Mais en dehors de la ville de Diffa, la situation est beaucoup plus complexe, notamment dans les localités de Bosso, N’Guigmi, Maïné-Soroa, explique Aboubacar Issa, un journaliste de la région. « Les habitants des villages frontaliers quittent parce que ce n’est pas bien sécurisé, il n’y a que des éléments de Boko Haram » indique-t-il.
Cet exode surcharge les lieux d’accueil, comme Kablewa, dans le département de Bosso. « Actuellement le village est plein, depuis deux mois maintenant, » déclare Abari El Daouda, maire de Kablewa. Le centre de santé est débordé, et les enfants souffrent de malnutrition, rapporte-t-il. Et si l’on s’efforce de scolariser ces enfants déplacés – plus de 150 écoles ont dû fermer pour cause d’insécurité, selon un rapport récent du Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations-Unies (OCHA) au Niger – les moyens manquent. « Il y a eu des programmes de relocalisation des écoles mais ce n’est pas fonctionnel à 100%. On a commencé avec deux classes mais les élèves attendent toujours puisqu’on n’a pas encore trouvé des hangars », explique M. El Daouda.
Dans cette région, la crise sécuritaire a perturbé la vie quotidienne et notamment fait grimper les prix. Si nos interlocuteurs rapportent que les produits de première nécessité sont disponibles sur le marché, ils se plaignent de leur cherté. « Le prix du mil, du maïs a augmenté parce qu’il n’y a pas de production sur le lac Tchad », souligne le maire de Kablewa. Le prix du sac de mil de 25 kg est passé de 10.000 FCFA à 13.000 FCFA actuellement, précise-t-il, ajoutant que les commerçants évoquent la distance, la cherté du carburant sur le marché noir et les conditions difficiles de transport.
De plus, la circulation à moto demeure interdite, par crainte d’attaques, les terroristes privilégiant ce moyen de transport. La mobilité de la population est ainsi réduite. Les courses se font à pied ou en taxi. « Avant les évènements, il n’y avait pas de taxi dans la ville de Diffa. Certains sont obligés actuellement de vendre leurs motos pour acheter des véhicules », affirme Mostafa Tchogoun, enseignant à Diffa.
Avec la prise de nouvelles habitudes, c’est une certaine inquiétude qui s’ancre dans la région, mais pour autant pas la psychose. « Il y a plus de peur que de mal, » assure le maire de Kablewa. « On espère que ça va changer ».