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Niger : fuyant les violences et l’impôt prélevé par les djihadistes, ces déplacés de Ouallam racontent leur calvaire

Depuis quelques années, la région de Tillaberi, proche de la frontière avec le Mali est en proie à l’insécurité avec une augmentation du nombre d’attaques terroristes.

A la périphérie de Ouallam, dans la région de Tillabéri, se trouve un site de déplacés qui abrite plus de 500 familles. Parmi elles, Salifou Hamza, ses deux femmes et leurs dix enfants. Ils ont fui leur village en raison de l’insécurité.« Nous avons quitté le village d’Inzouwate, ça fait deux ans que nous sommes en train de fuir. D’Inzouwate, nous nous sommes retrouvés à Tilwa. Après un an, nous sommes arrivés ici. Ce sont les bandits qui nous chassent. Ils ont tué deux personnes de notre village. Ils ont dit que personne ne reste dans la zone où il n’y a pas des militaires. »,  relate Salifou Hamza.

Les déplacés viennent, pour la plupart, des villages proches de la frontière malienne en proie à l’insécurité. L’un des rescapés, Mohamed Ismagul, a été torturé par des hommes armés après avoir secouru un militaire malien blessé au cours d’une attaque. « Après un affrontement entre l’armée malienne et les terroristes vers la frontière, un soldat malien a fui les combats. Il est arrivé dans notre village souffrant et affamé. Le chef du village a pris soin de lui pendant cinq jours. Quand il s’est senti mieux, mon grand frère, le chef du village, a trouvé une voiture pour lui jusqu’à Banibangou », explique-t-il.

Et de poursuivre : « Après, les terroristes sont venus me demander où est le chef du village. J’ai répondu que je ne sais pas où il est. Ils m’ont posé la même question plusieurs fois. Ensuite, ils m’ont dit : tiens-toi debout ici. L’un d’eux avait un grand fouet. Il a commencé me frapper partout dans le dos jusqu’à ce que je ne ressente plus rien. (…) Peu après, un deuxième groupe m’a encerclé en criant, couches-toi vite. L’un d’eux a chargé son arme au-dessus de ma tête, et il me dit tu es mort, au fond de mon cœur je dis Dieu est là, il va me sauver. » 

Des taxes à payer

Originaire de Mangaïzé près de Ouallam, Salamou Mahamadou est sans nouvelle de son mari et de leur fils, il y a bientôt deux ans. Ils ont été enlevés en l’espace de six mois. « Les terroristes sont venus tôt le matin au village, [au moment où son mari venait de quitter la mosquée]. Quand ils sont entrés, ils ne lui ont rien fait. Ils lui ont juste dit de monter avec eux. Je me souviens qu’il tenait son chapelet et portait son chapeau. Ils sont partis avec lui en moto. (…) On était dans cette situation et, six ou sept mois après, ils sont revenus chercher mon garçon. Comme son père, ils l’ont amené sans aucune explication. Je n’arrête pas de penser à eux, je n’arrive pas à dormir », indique-t-elle avant d’ajouter que les terroristes ont également emporté leurs bétails.

Après avoir tout perdu, de nombreux déplacés ont dû fuir pour ne pas payer les taxes et impôts prélevés par les terroristes. « Ils ont rassemblé tous les villageois en un seul endroit. Ensuite, ils ont dit de payer de l’argent », se rappelle Salifou Hamza, ajoutant que les terroristes les « accusent de donner des renseignements concernant leurs positions aux militaires. Nous avons répondu qu’on n’a jamais été en contact avec les militaires. Ils ont dit qu’on ment. Ils ont insisté là-dessus. Et que, pour cela, nous ne pouvons pas rester ici. A cause de ça, ils ont tué un villageois. Devant tout le monde, ils lui ont tiré trois balles dans le cou, et c’était même devant les femmes. Après le meurtre commis sous nos yeux, ils ont emporté 17 vaches. »

Au Niger, le nombre des personnes déplacées internes (PDI) a quasiment doublé au cours de ces trois dernières années, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA). Plus de 82 000 nouveaux déplacés internes ont été enregistrés au premier trimestre 2021. « Cela représente 35% d’augmentation par rapport au premier trimestre de 2020. Les violences et les conflits armés sont majoritairement les causes de ces déplacements forcés. Les déplacés sont installés sur 197 sites d’accueil dont 75% se trouvent dans la région de Tillabéri », précise l’agence onusienne dans son rapport publié en mai dernier.

Près de 20% du budget pour la lutte antiterroriste

Du côté des autorités locales, c’est aussi la consternation et l’impuissance face aux atrocités dont sont victimes les populations. «Nous avons vécu un moment très douloureux. La douleur est grandissante au jour le jour. Rien que les atrocités commises dans les villages de Zaroumdareye et de Tchombangou, où il y a eu plus de 100 morts, ça a préoccupé beaucoup de Nigériens. En tant qu’autorités locales, nous ne pouvons pas vous dire exactement, ce que veulent ces terroristes-là. Tout simplement, ils se déchargent sur les populations civiles, les rackettent, leur prennent des soi-disant zakât, ils brûlent leur grenier, emportent leur cheptel. C’est une manière d’appauvrir la population », commente Asmana Moussa, Secrétaire général de la préfecture de Ouallam.

Selon lui, l’amélioration de la sécurité demeure la priorité. « Le gouvernement nigérien met environ 20% de ressources dans le domaine sécuritaire. C’est la priorité des priorités pour le gouvernement. Nous avons espoir que les nouvelles autorités viendront à bout de cette insécurité. S’il plaît à Dieu, un jour, les déplacés que nous venons de rencontrer vont regagner le bercail. », a-t-il conclu.

En raison de la persistance de la menace terroriste, le gouvernement nigérien a régulièrement reconduit l’état d’urgence y compris l’interdiction de circulation des motos dans plusieurs départements de Tahoua, Tillaberi et Diffa depuis mars 2017. Mais les violences contre les civils restent en hausse. Depuis le début de l’année 2021, une trentaine d’attaques terroristes ont été enregistrées particulièrement dans la région des trois frontières (Mali, Niger, Burkina Faso) faisant plus de 350 civils tués, selon les autorités.

Au Sahel, la violence a déplacé « plus de 2 millions de personnes à l’intérieur des frontières de leur pays pour la toute première fois », avait annoncé, en janvier dernier, le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR). Les besoins des déplacés tels que, la nourriture, l’eau, les soins de santé, l’éducation, les abris surtout à l’approche de l’hivernage augmentent aussi.

Omar H. Saley, Hawa A. Coulibaly, Mody Kamissoko

*Réalisé avec le soutien du Programme Sahel de l’IMS, financé par DANIDA.

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