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Niger : malgré l’opération Dongo, la situation sécuritaire demeure alarmante à Tillaberi

Lancée depuis  trois  ans dans la région de Tillaberi pour lutter contre les attaques terroristes provenant du Mali, notamment le  groupe Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS) implanté dans cette zone frontalière, l’opération Dongo peine à porter ses fruits.

Du nom d’une divinité mythologique Songhai, génie du feu et de la pluie faisant abattre le tonnerre à l’aide de sa hache, la force Dongo se concentre sur la frontière malo-nigérienne. Elle est composée de 245 hommes formés et équipés en armes lourdes et hélicoptères Gazelle déployés en appui des troupes au sol.

Développer la coopération pour faire face à la crise

Ces forces spéciales anti terroristes travaillent en étroite collaboration avec l’armée américaine dans le cadre des opérations de formation et de renseignement. « Nous avons de temps en temps des opérations conjointes avec l’armée américaine et française mais seulement sur demande des autorités nigériennes comme ce fut le cas pour l’opération militaire conjointe dénommée ACONIT qui regroupe les forces armées nigériennes et Barkhane avec le soutien ponctuel des américains ».

Selon le ministre de la Défense, cette opération anti-terroriste est entièrement financée par le Niger à part quelques appuis techniques en particulier la formation et la logistique des forces amies (les Etats- Unis et la France). « Un tiers de notre budget est utilisé pour la sécurisation de notre territoire »

« Nous sommes fiers d’entretenir une relation de coopération avec les forces alliées dans le cadre de la formation de plus de 600 éléments des forces de défense et de sécurité aux techniques de contre-terrorisme » nous explique un haut-gradé en précisant que les formateurs sont américains.

Les forces étrangères ne participent qu’exceptionnellement aux opérations de ratissage, sous demande du Niger. La dernière opération menée conjointement par les Nigériens, les Américains et les Français date du 18 juin et reposait sur une mission de protection des civils. « Le bilan de cette intervention s’est soldé par 18 terroristes neutralisés et 5 faits prisonniers, dont trois Nigériens » nous confie le ministre nigérien de la défense Kalla Moutari.

La jeunesse nigérienne, prise en porte-à-faux

Malheureusement, cette présence armée ne permet pas d’inverser la tendance socio-économique. Les rues de la ville de Tillaberi sont désespérément désertes, au grand dam des commerçants. Assis au « grin », réunis pour le thé, des jeunes s’accordent à dire que les moyens militaires à la frontière doivent être renforcés.

L’un d’entre eux, Mahamou Mahamadou, conducteur de taximoto témoigne. « Depuis que les terroristes ont attaqué la commune d’Inatès et la commune d’Ayorou, je crains que la prochaine fois ne soit la ville de Tillabéri. Je prie Dieu pour qu’il nous protège. L’insécurité a freiné toutes nos activités. Je transportais des passagers d’ici jusqu’à dans les villages environnant pour gagner un peu d’argent mais maintenant c’est impossible. Car si tu le fais, les bandits peuvent te tuer à cause d’une moto. Nous souhaitons que les autorités mettent assez de moyens pour sécuriser la population. »

Pour Amadou Oumarou, l’insécurité préoccupe les populations malgré la présence de nombreuses forces armées. « Nous avons connaissance de l’opération Dongo, celle de la Force du G5 Sahel qui sont là, en train d’œuvrer. Nous avons aussi des forces françaises et américaines qui sont dans la région de Tillabéri. Malheureusement, leur présence n’arrange en rien la situation sécuritaire. Elles ont les moyens d’information, mais en plein jour, on vient attaquer les positions des forces armées nigériennes. Ce n’est pas compréhensible ».

La société civile comme substitut des autorités locales

La seule mesure visible prise par les autorités est l’instauration de l’état d’urgence dans certaines communes de la région de Tillabéri. L’ONG Médecins sans frontières s’alarme de l’absence d’aide humanitaire et d’actions proportionnées à la crise qui s’accroît semaines après semaines à Tillabéri. Un camp improvisé s’est érigé autour du village de Kongokiré, avec en son sein plus de 8000 déplacés nigériens et réfugiés maliens, avait annoncé MSF en mai dernier.

Apparues en 2017, les premières mesures de sécurité suscitaient des réticences chez les populations locales. Des acteurs de la société civile se sont mobilisés dans une démarche de prévention, comme l’explique Amadou Oumarou : « Nous en tant qu’acteurs de la société civile nous n’avons pas d’armes pour lutter mais nous sensibilisons la population et nous exerçons une pression permanente sur les décideurs politiques pour qu’ils puissent avoir un œil regardant sur l’insécurité pour que ces forces de défense puissent être dotées en moyens conséquents pour combattre et aussi pour alléger certains protocoles. »

Une autre piste de solution proposée par Abdoul Aziz Maliki, le président du Conseil national de la jeunesse de Tillaberi, c’est le dialogue entre toutes les parties. «Dans toute société, si l’Etat ne s’engage pas, aucune solution ne peut être trouvée. Voilà pourquoi, je suggère à ce que les autorités impliquent la jeunesse, la société civile, la chefferie traditionnelle, les oulémas pour qu’ils réfléchissent ensemble à quel mécanisme adopté afin de résoudre ce problème ».

Pourtant, ces forums de sensibilisation tenus par les acteurs de la société civile en parallèle des opérations militaires paraissent insuffisants pour promouvoir le développement local, unique solution à une paix durable.

Sahelien.com

*Réalisé avec le soutien du Programme Sahel de IMS, financé par DANIDA