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Niger: trois ans après l’enlèvement des femmes à Ngalewa, les familles sont toujours dans le désarroi

Depuis l’attaque de ce village situé dans la région de Diffa, il y a très peu d’informations. Les autorités ne communiquent pas beaucoup sur le sujet, un silence qui inquiète les proches des 39 femmes et enfants enlevés, il y a un peu plus de trois ans.

A Diffa comme Ngalewa, l’espoir de retrouver les 33 femmes et 6 enfants enlevés en juillet 2017 est presque éteint. « Ils sont venus après la dernière prière du soir. Un enfant est venu chez moi m’informer que les gens armés sont dans le village. J’étais sortie en courant et je suis tombée. Quelqu’un s’approche de moi en disant : il y a une dame ici J’ai fait semblant de mourir. Ils sont passés. Ils ont arrêté 9 enfants. Depuis le jour-là, nous avons peur et nous sommes partis vers Kablewa », indique Saadatou, une déplacée interne.

Depuis l’attaque de son village, Halima, une autre habitante, s’est réfugiée à Diffa. Elle n’arrive pas à surmonter ce moment difficile. « Ils (assaillants, ndlr) sont venus au village à 9h du soir pour enlever nos enfants âgées pour la plupart de 14 ans et des femmes. D’autres venaient juste d’accoucher… »

Toujours sans nouvelles de ses proches, Halima accuse les autorités nigériennes de négliger la protection de leurs enfants. « Nous avons appris que les militaires sont partis les secourir et la poursuite a été arrêtée par leur hiérarchie. Mais pourquoi ? se demande-t-elle. Et d’ajouter « Si les militaires n’ont pas reçu l’ordre d’arrêter la poursuite, ils auraient pu les sauver, car il y a une fille parmi les otages qui a pu s’enfuir. »

Demande de rançon

Cette attaque a constitué le premier enlèvement de masse dans la région de Diffa. Au début, les femmes étaient les cibles des terroristes. Mais après, des personnes influentes dans la communauté, autorités locales, commerçants ou humanitaires sont également visés. Les enlèvements s’accompagnent, dans beaucoup de cas, de demande de paiement de rançon. « Nous sommes des ressortissants d’environ 43 villages qui ont rejoint la ville de Diffa. Lorsqu’ils sont arrivés au village, ils ont tué le gamin qui avait alerté les villageois de leur présence. Ensuite, ils ont enlevé des femmes mariées. Ils sont partis avec beaucoup de personnes et nous ne savons pas où ils les ont amenées. Ils ont laissé un numéro de téléphone avec un message de demande de rançon,  mais personne ne sais où ils sont en ce moment », explique Mariama.

Aujourd’hui, les parents n’arrivent plus à assurer l’éducation de leurs enfants en raison de l’insécurité. « Pour nos filles, pas d’écoles, aucune éducation. Il y a des filles qui sont en 3eme, en terminale, même à l’école primaire, elles ont arrêté à cause de l’insécurité. Nous cherchons à quitter cette zone », ajoute Mariama.

Joint au téléphone, une autorité locale de la région de Diffa qui a souhaité gardé l’anonymat exprime son inquiétude face à la situation. « Nous sommes autant inquiets que les familles de ces filles-là. Il y en a qui se sont évadés des mains de Boko Haram et d’autres sont morts. Il y a un an, un parent est venu chez moi pour prendre son fils qui a pu s’évader. Nous-mêmes, les autorités locales, nous sommes surveillés par ces bandits. Nous sommes exposés, c’est pourquoi des chefs, des maires quittent leur localité pour rejoindre les lieux sécurisés. Bientôt la reprise des classes, nous sommes en train de voir comment redémarrer l’école dans les villages sécurisés pour permettre aux jeunes filles d’être instruites et éviter qu’elles soient influencées par les actes de violences », a-t-il déclaré.

« Aucun otage ne doit être abandonné » 

Pour les acteurs de la société civile et organisations de défense des droits de l’Homme, la mobilisation pour libérer les différents otages ne doit pas faiblir. « Nous, les acteurs de la société civile, avons fait des plaidoyers, nous avons alerté, nous avons dénoncé souvent le silence de beaucoup d’acteurs. Vous comprendrez que 4 ans après, il y a certaines personnes qui disent que les filles se sont reconverties, elles se sont adaptées au milieu, ça ne vaut plus la peine de les chercher. Pour nous, aucun otage ne doit être abandonné », indique Mara Mamadou, Coordonnateur de l’ONG Alternative Espaces Citoyens de Diffa.

Selon Hamidou Moussa Talibi, Rapporteur général de la Commission nationale des droits humains (CNDH), son organisation a « toujours demandé à l’Etat de faire tout pour retrouver les filles ». Et d’inviter les autorités à fournir encore plus de moyens aux forces de défense et de sécurité pour un meilleur maillage du territoire. « Il faut reconnaitre que depuis quelques temps, on a eu moins d’attaques parce qu’il y a eu plus de présence, plus de contrôle du territoire par les forces de défense et de sécurité. Je peux dire que les endroits où ces rebelles se trouvaient ont été plus ou moins dispersés ou démantelés. Maintenant, ils ont changé de mode opératoire. Ils vont dans les enlèvements pour demander des rançons. C’est significatif d’une situation où, ils ne peuvent plus opérer comme ils le voulaient. Maintenant, ils sont plutôt en train de chercher à survivre. Nous avons toujours demandé à ce que les Forces de défense et de sécurité soient mises dans des conditions pour faire leur travail », souligne Hamidou Moussa Talibi.

Si la situation sécuritaire reste préoccupante, elle est aussi marquée par la pandémie de Covid-19 qui impacte le quotidien des populations les plus vulnérables ainsi que les opérations humanitaires sur le terrain.

Omar H. Saley, Augustin K. Fodou, S. Kondo

*Réalisé avec le soutien du Programme Sahel de l’IMS, financé par DANIDA.

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