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Répondre à la dégradation de la situation humanitaire et sécuritaire : une priorité pour le nouveau gouvernement

Selon les chiffres communiqués par la DNDS1, à travers la matrice de suivi des déplacements (DTM) du 31 mars 2019, depuis février 2019, il y a eu une augmentation de 18 % du nombre de personnes déplacées, ce, à la suite de la dégradation de la situation sécuritaire dans la région de Mopti. Il y a désormais 99 039 individus déplacés toute région comprise au Mali, dont 20 206 ménages.

L’urgence de la prise en charge des personnes déplacées

Après le massacre de Ogossagou2, on assiste d’une part à des déplacements de populations mais également et surtout à une concentration des populations déplacées dans des foyers précaires. (Observations et remontées d’informations). Cette situation est aggravante sur le plan humanitaire dans la mesure où des foyers déjà précaires et fragilisés sont amenés à assurer la protection alimentaire et sociale de personnes précaires et fragilisées au niveau alimentaire, psycho-sanitaire et sociale. Cependant, cette aggravation n’est pas nouvelle. Après la crise de 20123, les personnes déplacées du nord ont trouvé refuge dans des foyers moyens fragiles à Bamako, à Ségou et à Mopti notamment. Elle marque, par ailleurs, une progression de la concentration vers les régions de Ségou, de Koulikoro et vers le district de Bamako. On peut y voir un phénomène de progression continue vers Bamako, loin d’être rassurante.

Au-delà de cette première analyse, il mérite d’être retenu qu’à la suite de l’attaque de Ogossagou, les victimes et ceux qui craignent d’être atteints ont de trouver refuge très souvent au plus près des domiciles. À ce titre, le TDM du 31 mars 2019, nous permets d’observer des déplacements autour de Bankass, de Badiangara, de Tenenkou, de Douentza, de Youwarou, de Koro et plus loin vers Niono et de Ségou. Donc globalement des déplacements concentrés dans la même vaste zone géographique. On en déduit donc une concentration de la précarité socio-économique dans un espace géographique déjà fragilisée. La présence d’enfants dans la zone, au milieu des tensions, accentue dans un sens l’urgence. Il est donc urgent non seulement d’assurer la prise en charge des personnes déplacées, mais d’éviter surtout un enlisement dans la gestion de l’urgence.

La fragilisation des liens sociaux et inter-communautaires

En plus de l’urgence humanitaire, après le massacre de Ogassagou, les structures sociales « protectrices », « stabilisatrices » et inter communautaires, dans la région de Mopti et plus largement au centre, ont été durement et durablement touchées. Avec le recul, on se rend malheureusement compte que les détériorations qui précédaient le massacre n’ont pas permis d’anticiper et de combattre les impacts néfastes sur les liens sociaux et inter communautaires. Finalement même si les communautés maliennes se sont mobilisées pour effectivement démontrer qu’il ne s’agit pas d’attaques inter-ethniques et de conflits inter-ethniques, l’expérience n’a pas été des plus aisées. Les incompréhensions, les accusations inter-communautaires et les campagnes médiatiques ont été nocives pour les liens inter-communautaires. Les autorités maliennes ont à ce niveau tout intérêt à s’engager politiquement à protéger et à préserver les liens entre les différentes communautés pour espérer consolider l’intégrité du territoire.

Faire évoluer le vocabulaire institutionnel, insister sur l’importance sociologique et stratégique nationale du centre du Mali

L’expérience jacobine et centralisatrice de notre gouvernance, héritée de la colonisation, nous amène malgré la crise que nous vivons à refuser un certain nombre d’expressions qui doivent intégrer les débats actuels. Il s’agit de la décentralisation4 dans son sens pratique, de l’autonomie5 dans son lien avec le développement6 et le sentiment d’appartenance7, du dialogue dans le sens de l’ouverture, de la concertation8 et de la prise de décision inclusive, de la concertation inter communautaire parce que certaines communautés vivent avec des tensions et des solutions sont possibles. Notre vocabulaire institutionnel doit évoluer en intégrant l’ « essentiel-important ». Le centre du Mali reste un continuum économique et écologique9 dont la déstructuration sociologique pourrait être d’une grande nocivité pour l’intégrité matérielle du territoire. Cette partie du territoire doit demeurer stable. Par ailleurs, cette stabilité ne sera pas offerte aux autorités maliennes. Elles vont devoir être les premiers acteurs au front et convaincre les maliens. Il s’agit avant tout d’un devoir d’affirmation de la volonté politique de stabilisation. D’où la nécessité pour les autorités maliennes concerter. Dans un discours récent face à la Nation10, le Président de la République a fait référence à une concertation nationale en réponse aux problématiques multidimensionnelles. C’est une initiative qui était très attendue, mais il faudrait aller plus loin et ne pas se limiter à l’organisation d’une concertation sur quelques jours ou quelques semaines, mais bien une concertation profonde sur plusieurs mois. Avec une triple finalité : réconcilier les maliens, sécuriser le pays et entamer un processus pour ré-asseoir l’autorité de l’État. Avec des axes multiples dont le plus important consiste à arriver au moins à quelques solutions réellement concertées avec les acteurs internes.

La stabilité politique et l’audace gouvernementale pour ralentir de la dégradation

Depuis la démission de l’ancien premier ministre, le Mali se trouve toujours en attente d’un nouveau gouvernement. A certains égards, la difficulté que le nouveau premier ministre et le président de la République rencontrent pour constituer un nouveau gouvernement illustre bien nombre de difficultés. Ces difficultés sont en partie institutionnelles et certaines plus importantes ne sont que des séquelles de la crise post-électorale. L’opposition refuse toujours, dans les actes politiques de reconnaître le président la République comme légitimement élu. C’est bien là, un obstacle majeur d’autant plus que la volonté actuelle, c’est bien de constituer un gouvernement « d’union nationale » et s’attaquer à certaines grandes problématiques. Dans tous les cas, il reste crucial d’arriver à une stabilité politique pour ralentir la dégradation de la situation humanitaire et sécuritaire et c’est une des missions confiées au nouveau premier ministre.

1 Direction Nationale du Développement Social Mali

2 https://information.tv5monde.com/video/massacre-d-ogossagou-le-gouvernement-annonce-la-dissolution-d-une-milice-de chasseurs-dogons

3 https://journals.openedition.org/echogeo/13374

4 https://archipel.uqam.ca/2685/1/M11295.pdf

5 https://www.universalis.fr/encyclopedie/autonomie/

6 https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2009-2-page-245.htm

7 https://www.cairn.info/revue-les-temps-modernes-2010-5-page-146.htm

8 https://i-cpc.org/

9 https://sahelien.com/le-centre-du-mali-un-continuum-ecologique-economique-sociologique-culturel-et-cultuel- en-voie-de-desintegration/

10 https://www.bbc.com/afrique/region-47957492

Mohamed Maiga

Ingénieur social

 

Les points de vue exprimés dans l’article sont ceux de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement ceux de Sahelien.com