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Tombouctou: Saraféré, sous l’application de la charia

Situé dans la région de Tombouctou à 35 kilomètres du cercle de Niafunké, le village de Saraféré est contrôlé, depuis quelques années, par la katiba Macina (affiliée au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) dirigée par Amadou Koufa. Ce dernier a grandi et a fréquenté l’école coranique dans le village de Koufa, à 7 kilomètres à l’est de Saraféré.

Tout était calme, le dimanche 9 mai avant que les djihadistes, sur des motos, ne fassent irruption dans le village un peu tard dans la soirée aux environs de 23 heures. Comme, « d’habitude » et de façon inopinée, ils procèdent à un contrôle dans la ville. Au bord du fleuve, une dame, qui s’y est rendue pour laver ses ustensiles de cuisine, reçoit quelques coup de fouets. « Ils traversaient le fleuve pour aller de l’autre côté de la rive, c’est là qu’ils m’ont approché et m’ont donné quelques coups de fouets à cause de mes habits. Ils ont exigé d’aller porter un vêtement plus décent. Je n’étais pas la seule victime ce jour », raconte-t-elle.

Au centre du village, à la place publique appelée « Baida » par les villageois, un jeune habitant trouvé sur place jouait de la musique dans son atelier de couture. De passage, les hommes en armes avec des talkies walkies l’aperçoivent. « On a d’abord réduit en cendre mon poste radio, on m’a ensuite fait avaler ma carte mémoire et m’interdit de ne plus jouer de la musique, que c’est proscrit par l’islam », témoigne-t-il

Même sort, pour un autre jeune, qui est allé se faire une coupe chez son coiffeur. C’est ainsi que deux hommes entrent dans le salon de coiffure et somment le coiffeur de raser sa tête : « ils m’ont d’abord croisé à la porte avec ma tête bien coiffée, ils étaient mécontents. On est rentrés de force dans le salon et c’est comme ça qu’on a ordonné au coiffeur de raser complètement ma tête. Il a aussi reçu des menaces comme moi d’ailleurs.»

Ceux-ci sont des exemples parmi tant d’autres qui témoignent des quelques abus dont sont victimes certains habitants. « Toute cette situation est due à l’absence des forces de sécurité dans le village, il n’y a même pas un seul poste de sécurité ici », s’indignent-ils. Contacté par Sahelien.com, le Directeur de l’information et des relations publiques des armées confirme : « nous avons des éléments à Niafunké, mais pas à Saraféré. »

De leur côté, les autorités coutumières tentent de rassurer. « En tout cas, nous, on circule librement, on anime convenablement notre foire hebdomadaire de lundi, tout est ok à part ce qui est connu de tous au Mali de façon générale », indique notre interlocuteur qui a souhaité gardé l’anonymat.

Des mesures imposées

La zone est sous contrôle des hommes d’Amadou Koufa depuis 4 ans environ. Dans une de leurs apparitions dans une mosquée du village, le samedi 15 mai, en présence des fidèles, les djihadistes ont tenu une séance de prêche (qui n’est pas la première du genre, ndlr) à la suite de laquelle, ils ont formulé des recommandations parmi lesquelles « l’interdiction formelle des loisirs et divertissements, continuité du paiement intégral par chaque cultivateur de l’aumône sur les récoltes, le port obligatoire du hidjab noir par toutes les femmes du village.» Le chef du village et les notabilités ont donc reçu « des instructions fermes de veiller au respect de ces mesures sous peine de sanction sur le village.»

Les écoles fermées

Les établissements d’enseignement classiques (premier et second cycle) du village ne sont pas opérationnels comme en témoigne cet enseignant : « les écoles sont toujours fermées et ce, depuis 2017, l’année même de mon affectation dans la zone en tant que nouveau fonctionnaire des collectivités. Les parents qui ont les moyens envoient leurs enfants à Niafunké, le chef-lieu de l’arrondissement ou à Bamako pour continuer les études », précise-t-il.

Par contre, « la grande partie des élèves restés sur place sont seulement autorisés à suivre des cours d’arabe dispensés par des stagiaires venus de Tombouctou » poursuit notre source. Selon un responsable d’école dans la zone, des négociations seraient en cours avec les djihadistes pour une ouverture future des classes à Saraféré.

L’insécurité persiste dans cette zone qui échappe au contrôle des forces armées régulières. Le 25 mars 2020, le défunt chef de file de l’opposition malienne, Soumaïla Cissé, avait été enlevé avec sa délégation pendant qu’il était en campagne pour les élections législatives.

Sahelien.com

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