Depuis août 2019, il règne une certaine accalmie dans le delta intérieur ou zone inondée. Des initiatives locales ont abouti à des pourparlers et un accord de cessez-le-feu a même été signé entre les djihadistes et les Donso qui opèrent dans la zone. A Kouakourou, comme dans la plupart des villages voisins, les activités économiques ont repris timidement.
Dans le village, les habitants restent toujours prudents malgré l’accalmie. Depuis trois ans O.T, un ressortissant de Kouakourou vivant à Bamako (qui a souhaité gardé l’anonymat) n’a pas pu rendre visite à ses parents. «Les choses commencent à s’améliorer. De Bamako en passant par Mopti, jusqu’au village ici, je n’ai pas eu de problème. Avant c’était impossible», raconte-t-il.
La foire hebdomadaire de Kouakourou a repris après plus de deux ans d’arrêt à cause de la pression des groupes armés terroristes. L’ancien maire et conseiller du chef de village fait partie de ceux qui étaient restés dans le village pendant tout le blocus. « Lors de la campagne 2017-2018, nous n’avons pratiquement rien récolté. Notre marché existe depuis 1938. La foire se tenait tous les samedis et c’était très animé…Ces gens-là (groupes armés terroristes, ndlr) occupaient toutes les voies pour empêcher les populations de venir à foire » dit M. Kondo. Et d’ajouter : « nous, on s’alimentait du côté de Mopti et de Djenné. Ils étaient sur toutes ces voies. Personne ne pouvait rentrer et sortir. La sécurité qui était là n’avait pas aussi les moyens nécessaires pour pouvoir subvenir à tous nos besoins. Même le bois de chauffe est souvent difficile à trouver. Pratiquement, toutes les activités économiques étaient arrêtées entre 2017 et 2019 ».
Avant la crise la crise, « c’était des milliers de marchands venant de divers horizons qui se donnaient rendez-vous ici, sur les berges du fleuve », se souvient Natourou Kondo, une commerçante.
Aujourd’hui, le marché n’est que l’ombre de lui-même. A notre passage, nous avons trouvé sur place, quelques habitants du village et des environs essayant tant bien que mal de vendre leurs produits. « Là où nous sommes aujourd’hui, nous ne pouvons même pas dire que la foire a repris parce qu’il n’y a que nous ici. Les forains de Djenné, Sofara, M’eou, Marabougou, Natinoré, Moura, Koua et même Nouh ne viennent plus. Nous sommes là en attendant, sinon, nous n’avons plus rien ici », déplore Natourou.
Les habitants renouent avec l’agriculture
Après que les groupes armés terroristes ont brûlé les motopompes et emporté les bœufs de labour, les villageois n’avaient plus les moyens de cultiver. A Kouakourou, comme Yaouro et Mamaye, certaines femmes étaient obligées de faire une autre activité pour pouvoir joindre les deux bouts. « Nous avons commencé à faire du maraîchage parce que nous n’avions plus de travail depuis que l’embargo a commencé. C’était une façon pour nous de gagner notre prix de condiment. Sinon, nous n’étions pas habituées à faire ça avant », relate Mamaye Nientao.
Après plusieurs médiations, un périmètre rizicole a été récemment aménagé à deux kilomètres du village. « Ça fait un bout de temps, pratiquement trois ans que personne ne pouvait mettre pied ici à cause du problème que nous avons eu avec les djihadistes depuis 2017. Nous sommes à deux kilomètres de notre village comme ça », indique Mama Tapo, natif de Kouakourou qui a accepté de nous faire visiter le nouveau périmètre aménagé.
Sur place, c’est la verdure à perte de vue. Il ne reste plus qu’à « attendre les récoltes dans un mois », nous confie Kaka Kondo, président de la coopérative qui s’occupe de la gestion dudit espace.
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« Depuis que nous avons lancé notre campagne cette année, nous n’avons eu aucun problème. Nous avons pu cultiver plus de 42 ha. Nous n’avons pas pu exploiter notre grand périmètre qui se trouve plus loin parce que nous n’avons plus de matériels sur place à Kouakourou et tous nos bœufs de labour ont été emportés. Même cet espace que nous avons exploité au début, on avait vraiment peur et on se demandait si ça allait réussir. Dieu merci, tout s’est bien passé » ajoute-t-il.
Pour le chef du village de Kouakourou, Komaye Kondo, « aujourd’hui le village n’aspire qu’à la paix et à la tranquillité. Si nous parvenons à aménager nos deux périmètres irrigués et à les mettre ensemble, ça nous fera énormément plaisir. Avant nous partions derrière le fleuve pour cultiver mais maintenant nous n’avons plus confiance ».
A notre passage, l’école n’avait pas encore redémarré. Un seul enseignant était sur place. «Depuis 2015, toutes les écoles de la commune étaient fermées. En 2018, il a été dit qu’à Kouakourou, la reprise était effective mais il n’y avait que deux enseignants : les directeurs du 1er et 2e cycle. Et au second cycle, il n’y a pas eu de cours pendant l’année académique 2018-2019. On espère que cette année, ça va changer», affirme Moussa Kondo.
Manque de personnel soignant
Le village dispose d’un centre de santé communautaire avec quatre personnels : un médecin chef, un aide-soignant, une matrone et un gérant du dépôt de pharmacie. Selon Cheick Hamala Komé, le médecin chef, le centre manque de ressources humaines qualifiées. « On cherche, à travers les partenaires et même le gouvernement, à avoir un personnel qualifié, surtout si nous pouvions avoir une sage-femme pour nous épauler. Tout le monde connaît la situation de Kouakourou, les gens pensent qu’en venant ici, ils risquent de se faire agresser par les terroristes, donc ils ne viennent pas », a-t-il fait savoir. Aussi, «le centre n’est pas électrifié et manque d’eau».
Depuis deux ans, le médecin chef et son équipe n’ont pas pu effectuer « les vaccinations de routine », surtout aux enfants de 0 à 11 mois, comme à Koulinzé et Yonga, à cause de la situation sécuritaire toujours précaire dans ces zones.
Dans les rues de Kouakourou, les militaires effectuent régulièrement les patrouilles. « Ils sont là pour notre sécurité. Ils nous respectent beaucoup et très souvent, leur médecin consulte nos malades », se réjouit Ousmane Traoré, un natif de Kouakourou.
Sory Kondo, de retour de Kouakourou
*Réalisé avec le soutien du Programme Sahel de l’IMS, financé par DANIDA.
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